La thérapie du ménage du printemps

J’ai succombé hier à une crise de nostalgie aiguë. C’était pendant une matinée de grand ménage.

J’étais portées par de nobles intentions : éliminer l’inutile chandail, les casseroles aux poignées branlantes, les talons hauts trop beaux pour être confortables et l’insondable paperasse. Pourquoi toutes ces choses inutiles poussent-elles comme de la mauvaise herbe dans le sillage de nos vies?

L’organisation allait bon train : pile à donner, pile à classer et en dernier recours, pile à jeter.

Jusqu’à ce que je trébuche sur boîte renfermant les reliques: photos, correspondance, découpures de journaux, album de finissants. L’ultime piège à con où je m’enfonce dans un dédale de souvenirs figés. Souvenirs chiffonnés.

La machine à remonter dans le temps s’est arrêtée sur les décennies 70 et 80, tel un spoutnik qui atterrit sur une autre planète.

À cette époque lointaine, quels étaient nos traumatismes collectifs? Avions-nous peur de sombrer dans les sables mouvants de la fin du monde?

Nous imaginions l’apocalypse avec fracas et effets pyrotechniques. Une rafale sans nom, décoiffant notre planète en quelques jours et nous laissant pantelant au milieu des zombies.

Une fin irréelle, hollywoodienne.

Mes vieilles photos sont le reflet de cette innocence. La joyeuse routine des jours sans trace de pandémie. Je regarde les clichés et je retouche chaque détail insignifiant. Vous vous souvenez de ce qu’était la proximité?

Ces images racontent nos partys bien arrosés, nos vies ponctués par les fêtes d’Halloween, Noël et les festins en famille sur nos pelouses bien taillées. Old Orchard, le tour de la Gaspésie, une journée de ski à Vallée du Parc, un dimanche collant à la cabane à sucre. Notre rythme s’accordait à l’unisson avec la boucle perpétuelles des rites. J’ai éprouvé une grande tristesse. Plus rien ne sera pareil, j’en suis convaincue.

Notre innocence est à jamais perdue.

Notre actuelle fin du monde est longue et ennuyeuse, en confinement.

Les rites sont en train de changer et les photos que nous découvrirons dans 50 ans nous le prouverons.

On se dira : quelle drôle d’apocalypse, avec nos enfants privés d’école, éternellement en récréation et traçant les contours d’une même illustration : un arc-en-ciel.

Non, vraiment, je n’imaginais pas la fin du monde dans une explosion chromatique en 7 couleurs.

J’espère seulement qu’au bout de cette écharpe de couleurs vives, nous trouverons un jour le trésor promis.

Une grande leçon de vie.



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