La petite marche de santé

Il y a du trafic sur les accotements des routes de village. Ça marche, le nez au vent, les oreilles remplies de musique. Pause plein-air, loin du vacuum des réseaux sociaux.

Avez-vous l’impression d’être en train de réinventer le monde? Cette petite marche de santé n’a rien d’anodin, elle s’inscrit dans un équilibre fragile, où les repaires s’effacent aussi vite que le souvenir de nos étreintes.

Le vide qui s’ouvre devant moi, devant nous : anxiété ou excitation?

J’ai retrouvé une étrange énergie aux premiers jours du confinement. Bizarre comme tout semble possible. C’est peut-être le printemps, va savoir… Ce temps d’arrêt me positionne au carrefour des folles ambitions. Je ressors les calepins où traîne les vieux désirs oubliés. Je me secoue pour réveiller mes talents endormis. Je prends le temps de regarder l’horizon pour y trouver les objectifs à demi ensevelis.

Étrange concordance, le chômage me donne des ailes alors que mes finances ont du plomb dans l’aile.

Les pages du cahier Canada se remplissent de tâches, de numéros de téléphone, de calculs financiers.

Boire un deuxième café. Cuisiner des biscuits.

Étirer le temps.

Écrire, réfléchir, forger mes pensées. Dompter le hamster intérieur.

Est-ce que la routine du travail, celui que vous aviez avant le décret du Grand Cloître collectif, minait votre fougue?

Le sprint quotidien du 8 à 4. Sitôt la journée terminée, rentrer chez soi et n’avoir qu’une envie, aller fondre sur son divan.

La ligne de départ des lundis matins n’existe plus. On travaille sur mesure. Ou on attend un retour vers la vie active et lucrative dans un étrange lâcher-prise. J’élabore mon modèle « Mission-Vision-Valeur », je téléphone à mes enfants pour les questionner subtilement sur leur « plan de vie », avec la subtilité d’un vendeur d’assurance. Je nous veux en sécurité. Je nous veux ancrés dans le dur labeur mais je reconnais l’importance de la légèreté.

Quelle sorte de monde va surgir de ce nouveau modèle économique? Fuir les centres d’achats, rentrer en soi, voyager moins et mieux, manger ses croûtes, des croûtes locales, ça va de soi!

Penser à nos « aînés », s’inquiéter de leur santé branlante. Se rappeler que certains d’entres eux sont des monuments : Gilles Vigneault, Dominique Michel, David Suzuki, Marie-Claire Blais. Sans oublier mes parents, Bruno et Irène, touchant dans leur tendre humilité. Quand le rythme infernal reprendra, aurons-nous le même égard pour nos vieux? Saurons-nous honorer le sacrifice qu’ils font en se privant de bécotter leurs petits enfants?

Nous sommes des milliers à prendre notre petite marche de santé et à réfléchir à la prochaine révolution, celle de l’amour.

Précédent
Précédent

La thérapie du ménage du printemps

Suivant
Suivant

Ma cabane dans les bois