Casser maison: au tour de mes parents!

Combien d’années passées dans ce petit bungalow?
Le bonheur se mesurent avec de savants calculs, extraits de la racine de nos traditions. Il y a eu tant Noëls et de soupers cordés autour de la grande table. Des pique-niques mémorables. Des au revoir déchirants suivis de retours au bercail glorieux. Même les ménages du printemps ont été des occasions pour célébrer. 

Alors, combien d’étés sur la rue Poirier? 

Pas loin de 50.

Début des années 70, Bruno et Irène ont rêvé d’une maison, format modeste. L’argent se faisait rare mais la main-d’œuvre s’est avérée généreuse : mon grand-père Elphège, soixante-dix ans bien sonnés, allait aider son gendre pour mener le projet. Notre bungalow s’est construit avec le souci de l’économie et du pratique. Une décision judicieuse qui a permis à mes parents de traverser la tempête des taux hypothécaires à 15%, au début des années 80. Parler d’argent, ce n’est pas très zen. Mais c’est essentiel si on veut joindre les deux bouts avec des petits salaires, celui d’une préposée et d’un journalier. Travailler dur et rêver sans perdre les pédales. 

Les améliorations se sont concrétisées avec les efforts conjugués de mes parents. Rénover la cuisine, construire un nouvel espace avec un foyer, poser du bois franc. Le confort est rentré par la petite porte d’à côté. La prospérité s’est invitée sur la pointe des pieds. Ont-ils aimé ce bungalow malgré les sacrifices? Profondément. 

Cette maison a abrité l’âme d’une famille. Par un grand coup du destin, leur petit-fils en a fait l’acquisition avec sa blonde. Didier et Myriam vont perpétuer notre histoire et pourront l’enrichir avec leur sens de l’hospitalité, avec les effluves émanant de leur livre de recettes, avec leur potager débordant de fruits mûrs. 

Juillet 2020. Les déménageurs ont embarqué les gros meubles. La maison s’est vidée en moins d’une heure. Ma mère a laissé échapper un sanglot étouffé. 

Perte momentanée de repères.

Sensation de se faire arracher plusieurs chapitres dans le grand livre de sa propre vie.

Tous les points cardinaux se trouvaient sous un même toit : Nord, Sud, Est, Ouest. La régularité des jours, la connaissance intime de ce monde qui semble s’évanouir pour faire place à une soudaine nostalgie.

Aujourd’hui, mes parents n’habitent plus leur maison. Mais leur maison les habite.

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