Granules de bonheur

Notre bonheur quotidien percole tout doucement dans notre chalet. On ne sait plus ce que c’était que de vivre dans une grande maison avec le tapis qui dit « bienvenue », le gazon vert velouté et les fenêtres endimanchés de rideaux.

La simplicité retrouvée depuis le mois d’avril fera partie du folklore Pandémie. Un jour, nous allons chérir cette anecdote en se remémorant les temps durs où il fallait apprendre à étreindre les arbres pour extraire une parcelle d’humanité. Mais en attendant, on s’habitue à quitter ceux qu’on aime en les saluant d’un léger signe du menton, les mains derrière le dos. 

Heureusement, nous avons eu un été sans fausse note. Le soleil a fait gicler sa lumière d’or avec une ardeur qu’on ne lui connaissait plus et la belle saison, à défaut d’être encombrée de festivals, nous a comblés. Il a fait beau, il a fait chaud et je me suis baignée avec les têtards du lac Caron sans finasser avant de plonger. C’était bon de prendre la mesure des montagnes tout en jasant avec les voisins qui passent en ponton.

L’automne vient de laisser tomber la chemise colorée. Une autre saison qui s’essouffle et qui disperse quelques souvenirs, paysages et parfums de croustade. Le grand héron est encore là; il a piqué un garde-à-vous statuesque au bout du quai. Je le regarde, fascinée par cette raideur empruntée à la royauté. Il brise notre jolie connexion en fondant vers d’autres lieux, à grands coups d’ailes.

Hier, il a neigé sur notre zone rouge. J’ai marché autour du lac et suivi la trace fraîche d’un chevreuil pour finalement croiser son chemin. On s’est regardé un court instant, comme si on partageait la même surprise.

« Fuck, c’est déjà l’hiver et on est juste en octobre ».

Puis, il s’est ressaisi et a fait un saut de chat en s’esquivant vers le bois. Le chevreuil s’est évanoui dans la nature juste à côté de moi. Ni vu ni connu.

Ainsi ont été les instants de bonheur, fugaces mais intensément vécus. 

Nos réunions de famille se passent désormais autour d’un grand feu, près du lac. 

Rires étouffés dans nos coudes. Baisers soufflés vers les étoiles. Et des au revoir avec un coup de menton.

Précédent
Précédent

La maison en désordre

Suivant
Suivant

Trouver de l’eau dans une roche