La maison en désordre

Bien manger. Bien dormir. Se poser et méditer. Faire du yoga. Aimer mon prochain. Muscler corps et esprit.
Art de vivre ou art de se torturer?

J’ai beau déployer l’arsenal du parfait régime équilibré, prier Jésus/Marie/Joseph et tous leurs cousins, les Saints et les Saintes, il reste toujours cette évidence immuable :

Quels que soit les efforts, mon corps vieillit. Mon esprit ravaude vers d’inutiles contrées. L’anxiété me tenaille. Les nuits sont plombées de réveils où mon lit devient une chambre des tortures. 

Estie de pandémie. 

Oui, répétez-moi que je suis privilégiée, que j’ai tout pour jouer au bonheur dans mon carré de sable au milieu d’une magnifique forêt. Prête à emménager dans une maison qui sera digne d’une page de magazine. Envoyez-moi des liens sur la pleine conscience, la bonne conscience, la conscience magique, la pensée positive.

Mais je suis plutôt empêtrée dans la pensée rotative et je pédale dans une semoule douce et dangereuse. Je ne parviens pas à m’extirper du déclin qui me guette. Mes deuils se mesurent avec la règle de la distanciation sociale. 

« Ben voyons, toé !? D’où tu sors avec tes lamentations? La vie est belle! ». 

Je vous entends, excédés par cette subite exposition de malheurs hirsutes, sans queue ni tête. 

Je fais le bonheur comme une artiste qui peint un tableau. J’ajoute des touches ici et là, pour faire poindre un paysage, un portrait abstrait lumineux, un oiseau avec des plumes en soie. Mais je ne parviens pas à demeurer en contrôle et parfois, le pinceau dérape sur la toile, les couleurs s’assombrissent et l’œuvre ira valser, inachevée, entre le mur et le divan. 

Ça fait 2 mois que je ne parviens pas à écrire. Les mots se bousculent dans un fatras que je ne saurais démêler. 

Je ne veux pas décevoir avec ma futilité momentanée. 

Permettez-moi aujourd’hui de déposer tout doucement mes ongles contre le tableau noir et les laisser glisser pendant quelques instants insupportables. J’ai mal, nous avons mal, vous avez mal. Cette crise nous marquera à jamais au fer rouge même si nous ne sommes pas dans un pays en guerre, en famine ou balayée par un ouragan. 

Les malheurs ailleurs sont grands. Les miens sont encombrants mais oh! combien déguisés en prédateurs que je dois affronter, au quotidien. 

Voilà, c’est dit : je ne transpire pas la joie de vivre. 

Cette affirmation me fait l’effet de vous flasher mes entrailles….

Et pourtant, j’ai l’impression de semer une petite résurrection.

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