Trouver de l’eau dans une roche

On érige la maison sur un roc. Et on cherche de l’eau depuis des jours. Désespérément.

Au-delà de l’anecdote sur ce chantier qui tire du jus à défaut de faire jaillir le geyser tant désiré, il y a une image forte et puissante qui ne me quitte pas : ces jours-ci, j’ai souvent l’impression d’essorer une roche entre mes mains pour espérer en tirer quelques gouttes de bonheur liquide.

Premier constat: le bonheur n’existe pas. C’est une ombre qui gambade à la poursuite d’un troupeau de licornes dans un champs de tournesols, au garde-à-vous devant le soleil.

Le bonheur est une imposture. Qui ose espérer décrocher son diplôme après avoir fréquenté « l’école de la Vie »? 

Cela ne m’empêche pas de poursuivre le bonheur ou de l’inventer, tout en sachant que ma soif ne sera jamais totalement épanchée. Avouez que la chasse au ravissement épuise quand il s'agit de plaisirs futiles et de promesses faites par des vendeurs de chars.

Je reste toutefois convaincue qu'il y a de l’eau dans la roche.

Car le bonheur est en moi. Pas à l'extérieur de moi.

Il se trouve dans l’instant présent. Le bonheur s’illumine comme un joyau dont la splendeur explose dans un rayon de lune.

Pour capturer ce rare phénomène céleste, il faut quitter son lit, prendre le temps d’enfiler ses gougounes, marcher là où il fait très noir, tendre le bonheur vers le ciel et attendre que le miracle se produise.

La lune se glisse un bref instant entre deux voiles nuageux et souffle sa lumière magique.

Et cet instant-là, c’est cent fois mieux que de surprendre des licornes au bout d’un chemin de bois.

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Je vous divulgue un secret qui m’embête un peu : mon époux et moi avions retenu les services d’un sourcier pour nous permettre de localiser l’emplacement pour le forage du puits artésien.

Il est débarqué au village en Harley Davidson avec des gaules de bois dépassant de son sac à dos usé. À l’entendre, il avait été en mission dans les coins les plus arides de la planète. Il faisait surgir de l’eau sous ses pas. 

Le sourcier a arpenté notre lopin, une branche dans chaque main. Il semble que le bois et l’eau, ça se parle…

« C’est ici! Il y a une rivière et de l’eau en abondance. C’est à 35 pieds. 40 gros max! », a-t-il décrété après une vingtaine de minutes. 

Mon époux lui a donné un beau cent dollars tout neuf. Le sourcier est reparti sur sa Harley, avec ses précieuses gaules. 

On a posé une roche peinte en jaune sur la terre. L’espoir a fait place à la reconnaissance pure. Merci la vie, il y a une rivière qui coule ici.

Les semaines ont passé. L’entrepreneur pour le puits artésien a planté une foreuse haute comme une pyramide d’Égypte. Ça faisait un boucan pas possible. Au fil des jours, on s’est imaginé le diable qui martelait sur une enclume, aux portes de l’enfer. 

Pourquoi l’enfer? Plus les jours avançaient, plus l’espoir s’amenuisait. Et plus la facture montait… Jusqu’où? Peut-être pas jusqu’à la stratosphère, mais un étage en dessous. 

Au bout d’une semaine, toujours pas d'eau, ou si peu...

Après 150 mètres dans le roc, soit 500 pieds, on s’est résigné à donner un ultime coup de pouce à la nature. Quelques veines d’eau coulaient le long de notre puits en devenir, mais ce n’était pas assez. Une autre équipe a pris le relais pour injecter une pression d’air et fracturer les minuscules veines. 

Et finalement, de l’eau. Du bonheur liquide tant espéré, en abondance et d’une grande pureté.

Cette confession me permet de vous dire que les raccourcis ésotériques et les sourciers aux histoires colorées ne viennent pas avec une garantie. 

La leçon que je tire de ce chapitre, c'est qu'il faut garder courage dans les épreuves, même si c’est extrêmement difficile. Au bout du compte, on en retire une satisfaction qui peut s’apparenter au bonheur.

Je vais penser à tout ça quand je vais ouvrir le robinet pour boire de l’eau. 

Boire en pleine conscience de ce moment privilégié qui m’est donné, entre deux gorgées de bonheur liquide.

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