Voyager, version minimaliste

Notre manière de voyager a définitivement changé! Jadis, il n'y avait qu'une condition pour remettre toute ma vie en perspective : partir loin, très loin.

Il y a 1000 ans de ça! C'était avant mars 2020. Les tourments émaillaient parfois mon quotidien. Il me semblait alors impossible de rester entre 4 murs pour remuer la soupe composée de toutes les bonnes intentions pour inventer une recette de bonheur. Je misais plutôt sur un billet d’avion pour marquer le renouveau.

Une femme-canon éjectée vers un autre orbite. "Bonsoir, elle est partie..." 

C’est la trajectoire que j'ai empruntée en 2016. À la suite d’un cuisant revers professionnel, je me suis lancée sur le chemin de Compostelle pour réfléchir fort, espérant me réparer d'une manière durable. 

Il y avait tant de pèlerins! Certains brisés comme je l’étais, d’autres portés par une étrange énergie divine. Je trempais dans les deux camps, partagée entre une colère sombre et l’envie exaltante de tirer un trait sur le passé.  Chaque matin, le chemin s'ouvrait. Je découvrais une page blanche pour y laisser mes traces et écrire une nouvelle histoire.

Ça coulait de source: pour retrouver mon salut, il fallait que je sorte de la maison afin de briser le cycle d’une vie circulaire où mon estime s’abimait. 

Comme les temps ont changé! 

Le seul moment où je devient femme-canon, c'est pour atterrir dans le cabinet de ma psy à tous les vendredis.

Dure leçon... Il faut désormais voyager chez-soi. Bricoler une tente au milieu du séjour pour aller s’y réfugier. Allumer une bougie de soya, délimiter un espace de paix pour se recueillir dans un triangle de lumière. 

Version minimaliste du voyage : bienveillance et amour de soi. Et de la résilience, beaucoup de résilience.

Votre voyage en classe confinement vous a-t-il permis de faire rayonner de nouveaux talents? 

Sur le chemin de Compostelle, j’ai appris qu’on pouvait marcher pendant une journée entière. Sous le toit de ma merveilleuse maison, je fais plutôt le pari de m’arrêter pour scruter le paysage autour de moi.

Au lever du jour, yoga, un rituel que je considérais olympien. Inaccessible. 

Et me voilà, avec Adriene ou Midorie, en train de bouger « à l’intérieur de mon souffle ». Découverte d’un pays étranger…

La maison semble ouvrir ses bras pour accueillir la forêt dans mon salon. Je n’aurais qu’à tendre les mains pour toucher les branches d’arbres décorées de bouts de nuages. La nature déborde, je me douche littéralement sous les généreux rayons de soleil.

J’ai parfois l’impression de vivre dans une pub d’Irish Spring. Le matin, j’exulte. Même quand les jours sont plombés de grisaille. 

C’est Compostelle dès que je saute hors du lit. Ma maison contient un pays. J’aime l’habiter, jusqu’à l’user à la corde. Je travaille ici, je workout ici, je cinq-à-sept ici, je parle aux murs et je réponds à mon écho en prenant un bain chaud. 

Mais il ne faut pas se méprendre, ça demeure tout de même une prison, une prison heureuse, avec des barreaux en fourrure qui s’ouvre sur le spectacle perpétuel du cirque des écureuils dans un numéro de voltige. Coupé de la violence du monde.

Est-ce que je suis tannée du confinement? La réponse est un « oui » retentissant.

Le confinement est repli. C’est un mouvement de recul pour fuir la vraie vie.

Et on répète, ad nauseam, « restez chez-vous, c’est comme ça qu’on va en venir à bout ». 

Être en état de dormance, c’est ainsi que le courage se forge.

Je suis consciente que tous n’ont pas la chance d’habiter une maison meublée de béatitude. Il y a des trois et demi où se joue des guerres de tranchée…

Le simple fait d’y penser me donne le tournis. Le jour avance et je me sens parfois fléchir sous le poids du monde. Pendant mon voyage solo en classe confinement, la terre suffoque. Mon bonheur se révèle être un mirage. La poursuite de la sérénité serait-elle une forme extrême de narcissisme qui me coupe de la réalité? 

Merci à la nuit de souffler sur l’angoisse. Je retrouve une page blanche tous les matins, prête à miser sur le remède du temps présent. 

Au bout de notre vie encabanée, je cultive l’espoir de réintégrer la vie communautaire. Je travaille actuellement sur un projet que je vous dévoilerai sous peu. Petit indice : au lieu de marcher seul pour guérir, nous formerons une équipe.

Ensemble, on va plus loin!

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