Femme invisible à la fenêtre

Derrière la fenêtre, les arbres se meuvent, lamentations printanières avant la floraison. La cime des épinettes se ploie sous la violence des vents, chorégraphie moulée dans la détresse. Le tableau reflète mes humeurs élastiques. Nature puissante, je puise dans le tourbillon pour faire résonner l’urgence du moment caméléon.

Debout, tendue, flexible, ployée, mais jamais cassée. Le tonnerre et les tourbillons d’air chaud froid ont beau donner une volée aux géants, les arbres seront là ce soir lorsque l’apaisement signera la fin de cette tempête.

Une tache formée d’oiseaux fous fend le ciel. Les autres vies se terrent pour laisser passer tranquillement le mauvais temps. Entre en moi cette énergie échevelée, brute. Je me rue sur mes pinceaux, je sors les pastilles d’aquarelle. Crise d’humeur créative, irraisonnée et subite à laquelle je dois obéir. Passons à table, faisons valser les restes du petit déjeuner pour se répandre en couleurs, définir le contour de fragments imaginaires.

Je cherche le mouvement fluide. J’attrape la lumière diffuse d’un ange-luciole virevoltant au-dessus des compositions prêtes à exploser.

La nature s’imprime, sourde à ma volonté. Qui mène la main? Qui guide les lignes? Est-ce le ying et le yang en bataille?

Un dessins sort de moi. Une broderie s’écrit au bout de l’aiguille.

Confusément. Amoureusement.

Je cherche une femme invisible à la fenêtre, celle qui a su rassembler tous les vertiges d’un monde fou, les concentrer sur un canevas maculé d’aquarelle.

Elle n’existe que dans les bribes du temps trouvé/volé. C’est si rare, un colibri qui se pose.

Le temps d’une esquisse.

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