Je veux apprendre à lire mes étés

Je regrette mon été. Encore un autre trop peu voyagé.

Il fallait être là, aux aurores, dans les champs glorieusement parés de rayons violents.

Il fallait étirer le temps, soulever le rideau de la nuit pour saisir les étincelles. Il fallait pointer dans une direction et marcher loin. Enjamber les ruisseaux. Fendre les ondées. Pleurer devant les tableaux vivants. Imprimer ce qui, inexorablement, s’éteindra.

La page est blanche, les espoirs ténus.

Je ne connais pas le nom des arbres, ni des oiseaux. Je m’entête à effleurer les feuilles veloutées en balbutiant la joie, incapable d’écrire, ne sachant pas comment être férocement avide d’un vocabulaire où suinte le sang. Écorce et plumes. Nuages et fleurs. Poissons. Une poignée d’appâts pour ne pas sentir analphabète. Juste assez de mots pour m’endormir en tressant une comptine d’images.

Je vis ici et j’ignore tout des rythmes. Il y a l’évidence du soleil et de l’adoration formelle. Prière du matin. Ceci est un jour nouveau. Amen.

Et il y a la fin, trop vite arrivée. Il monte en moi une litanie de souhaits tristes lorsque l’astre de feu se multiplie, se fend sur la ligne oblique de la montagne, dévore l’horizon jusqu’à chuchoter les couleurs au bout du lac…Je retiens alors mon souffle et je communie avec le reste du monde.

Entre les deux, une autoroute où filent les impressions. Tout va trop vite pour apprendre à vivre. Sortez-moi de ma domesticité.

L’été des mes 57 ans est perdu. Saurais-je apprendre un jour? Décoder les silences, lire avec mon cœur, puiser dans le savoir des légendes de ceux qui sont venus bien avant nous?  

 

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