Un continent dans mon salon

Était-ce un rêve?

En quelques brassées de crawl, j’ai atteint mon divan, mon continent. Seule habitante au milieu d’une contrée perdue dans mes pensées. Le temps au beau fixe, propices aux narrations intérieures et dérives sensorielles. Des histoires flottent à la surface du parquet ciré. Dehors, lueurs boréales. Dedans, feu de bois incandescent. 

Un meuble découpé dans l’étoffe de mes pays.

Divan-doudou. Divan des grandes discussions. Divan farniente. Divan des filles pleureuses. Divan soigneur d’insomnie. Divan siesta. Divan pour grabataires covidiens. Divan tchin-tchin. Divan scène de cul. Divan de la brodeuse en série. Divan des corps morts alcoolisés. Divan pour tuer le temps. Divan littéraire. Divan des danses interdites. Divan des marathons Netflix. Divan refuge des solitudes. Divan des vaines promesses à soi. Divan des prières à la planète Terre.

Échoir ici, c’est plonger vers un autre fuseau horaire. Cap vers le nord, je m’offre une vue plongeante vers le ruisseau gonflé par les largesses de l’hiver. Embrassée par un soleil fou printanier. Come to me, souvenirs en écrin.

Simple mouvement des paupières, Abracadabra. I close my eyes et la vie plonge sur moi. Félicités en cascade. Manifeste d’un bonheur psychédélique où dansent ma grand-mère Jeannette, les poissons tropicaux de la Calédonie, les premiers baisers électriques, les dents de lait au creux de ma main, les larmes de joie, les enfants soyeux et câlineux, les confidences de ma nouvelle amie Suzanne, les albums photos arrosés de rires, les discussions pour refaire le monde. Une boîte remplie de bonbons taillés dans la fierté, fondant à souhait. Souvenirs d’une ascension vers un volcan au milieu des Caraïbes. De guérisons après nos cancers, le tien et le mien. 

Je considère ce divan comme la pièce maîtresse de notre maison. Continent de notre marmaille. Accroche-cœur pour y amarrer tous nos oublis. 

Ce n’est pas le symbole de notre désœuvrement mais plutôt le refuge de tout ce qui tend à dérailler.

La couleur du meuble importe peu. 

Même les tâches rassemblent des bouts de nos vies, car rien n’est parfait.

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