Maudit bonheur

Il existe une panoplie de jeux de cartes destinées à alimenter notre bonheur quotidien. Le mot « gratitude » s’y retrouve invariablement, nous forçant à mettre en veilleuse récriminations et frustrations. Balayons toutes ces boules d’anxiété sous le tapis. Ni vu ni connu.

Les cartes du bonheur nous enchaîne à la tyrannie de l’instant présent. Faisons fi de tout! Conjuguons le déni à tous les temps.

Pourquoi s’enfermer dans le cynisme? J’aimerais faire taire cette petite chipie en moi. La rabat-joie, la pas-fine, l’enfant gâtée qui se plaint le ventre plein.

Alors jouons. J’étale le jeu de cartes, je mets au rancart les pensées toxiques et je pioche une carte. Je la retourne et il est écrit « Évasion ». « Évasion », un mot lointain pourtant si près de moi. Tant de sentiers vierges à explorer. Évasion dans l’art de créer la magie avec le quotidien. Lumineuse, curieuse, affamée.

Le maudit bonheur est une tendre condamnation. Vivre grand, aimer beaucoup, partager la douleur dans une communion silencieuse, tendre les mains. Recevoir. Donner. Ne pas compter.

« Évasion », comme pour décrire mon insatiable envie de tout voir, tout connaître. Ce n’est ni la fuite, ni la course solitaire qui me guide. La carte appelle à l’aventure. C’est le « plongeons au sud de la vie », comme le décrit si bien la dédicace de Dany Laferrière, sous la jaquette d’Un certain art de vivre.

Dans cette maison qui m’agrippe, je coule des jours doux. Le soleil s’éteint, comme la beauté qui jadis se peignait sur mes traits. Ne pas confondre la mocheté à la perte de l’éclat. Au contraire. Le courage dessine les boucles de souvenirs. Je me cramponne au maudit bonheur, dans une course effrénée parce que le temps rapetisse et les désirs se font tout aussi grands.

Déjà, le printemps. Sur ma bouche traîne le goût du sucre d’érable. Et bientôt, la chaleur de l’été. De quoi nourrir l’inspiration pour créer.

Je tends la carte à bout de bras, je m’y accroche. « Évasion », tel sera mon souffle. Ni la fuite, ni course solitaire, je le répète. Un mot pour franchir l’espace, s’initier aux nouvelles frontières. Encore et toujours portée par les promesses.

Promesses que je tiendrai.

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