Noël est passé à la trappe

J’ai toujours aimé les lendemains de veille, débordant d’échos joyeux. Cette année fait exception. Noël s’est effrité.

Nos enfants, éparpillés, échoués entre les 4 murs de leur vie. Forcés d’inventer des rituels… sans moi.  

Noël regorgeait pourtant de promesses. La version 2021 n’a pas tenu la route, notre bulle familiale de 8 s’est dégonflée. Notre petit party devenu tête-à-tête, mon amoureux et moi. Tchin-tchin! sous le regard d’un lutin malin nommé Omicron. 

Le merveilleux est ici, dans l’éclat de nos regards. Et nos merveilleux se terrent, loin de tout, loin de nous. Ils espèrent se guérir dans un temps prescrit. Ils seront au banc des punitions pendant 10 jours. Ils vont prendre l’air avec l’impression de voler trop d’espace. Ils marchent en courbant l’échine et évitent le regard des passants. Ils soufflent en cachette pour exhaler les molécules d’un virus trouble-fête.

Mon clan me manque. Moi, si gourmande lorsqu’ils débarquent ici. J’aime boire leurs rires, j’aime attiser leurs cris de joie avec mes folies. 

Tous les jours, je vais me consoler dans la forêt. La neige raconte la vie des animaux. Juste ici, le passage des dindes noires qui ont foutu le bordel en bêchant sans ménagement dans le buffet des feuilles d’automne. Et là, les traces en forme de cœur du chevreuil.  Plus loin, une scène de carnage, du sang et quelques poils, les reste d’un écureuil noir tombé sous les griffes du renard. Le silence se referme en moi, cherchant à ne pas imaginer les cris. Drôle de famille.

Entre deux sentiers, je choisis le plus à pic, celui qui s’assortit à mon humeur. Mes muscles brûlent, ma foulée est lente. Comme je suis vieille, il y a moins de Noëls en avant, c’est certain. Et dire que celui-ci est gaspillé. Arrivée en haut, mon cœur bat très vite. Le vent claque et les larmes brûlent sur mes joues.  Ma respiration au bord des lèvres, prête à s’échapper. Prête à rattraper ceux que j’aime. Ludovic, Clothilde et Méika. Frédérique, Cédric et Sacha. Mes indispensables, ceux qui, comme les dindes, foutent un joyeux bordel dans la cuisine, mangent en riant, se reprennent une part de bonheur. Famille drôle. 

Je les reçois dans l’allégresse. Je reçois l’allégresse. Ils apportent une charge d’amour, un cadeau qui, en le déballant, fait éclater ma solitude. Mille confettis que je cueille avec mes petites mains. J’adore quand ça déborde. Je suis entière quand ils sont près de moi. Quelle étrange sentence pour une mère que de faire respecter une distance d’un mètre. 

Nous sommes en train de devenir des continents, écartelés. Je me sustente de vos étreintes et par le fait même, du meilleur de moi-même. Combien de temps durera cette peine injuste?

Aujourd’hui, je vais retourner dans la montagne en empruntant le sentier le plus à pic, celui qui me permettra d’étirer mon corps jusqu’à vous.

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