Tempête des corneilles sans-coeur

De la neige. Un 19 avril. Déferlante collective sur les réseaux sociaux, de Montréal à Sutton, en passant par mon bout de colline à Sainte-Flore. Le jour se pointe et déjà, on s’entend sur une action : effaçons le 19 avril.

L’hiver entre dans la maison en chaussons laineux, déjanté, pas barré, avec des flocons gros comme des tranches de pain. Le silence est si lourd que je l’entends gronder dans mes oreilles. 

Trop de beauté. J’ai envie de me sauver.

Je suis en mou et la vie est dure.

Dure? L’est-elle vraiment dans ce tourment momentané? 

A-t-on le droit de gémir comme des suppliciés, loin des tropiques des violences?

Ce 19 avril, un matin pourtant parfait et immaculé, on le dépeint avec fatalité, assommés par notre destin nordique.

Nous voilà, en position Ninja, prêts à avaler cet assaut avec des cris dignes des soldats de la Résistance. Est-ce de la neige ou des météorites? 

Et si c’était des bombes?

Ça remet en perspective la petite horreur tranquille d’une tempête d’avril.

J’ai honte d’être cette passagère indignée par la dérape printanière. Cette enfant gâtée qui en a marre de se « ressourcer » devant la blancheur immaculée. Prisonnière de l’intériorité. Où se pointe le ciel bleu dans cette geôle grise, merde?

Est-ce que les Ukrainiens tapent du pied quand le printemps leur échappe? Est-ce qu’ils crient en chœur : « Dehors, l’hiver! » ?

Est-ce qu’ils font fait pleuvoir des mots moches sur Facebook pour décrire leur écoeurantite hivernale? 

L’horreur du bout du monde m’étouffe. Dieu se vengera si je me laisse aller aux dérives météorologiques. Je n’ai plus le droit d’avoir la nausée quand il neige en avril, ça frôle l’indécence.

Je suis condamnée au bonheur et à la légèreté. 

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