Amours, délices et postérité chez Frédéric Tremblay et Fabiola Toupin

Une maison, c’est d’abord un rêve. Une vision. On ferme les yeux et on fait comme si. 

Avec-vous déjà imaginé votre maison? Moi si. Les pieds plantés dans un banc de neige, à imaginer un grand plancher avec des motifs dansant sous la lumière. Des murs qui s’emboîtent, comme des doigts entrelacés à chacun des coins. Une fenêtre ouverte sur un tableau. La nature ondule au gré du vent. 

C’est vert tendre printanier puis, la canopée s’assombrit, gorgée de chlorophylle. Orages et coups de soleil prennent le relais et font la fête pendant tout l’été. Jusqu’aux jours écourtés par les bouts de soirs et de matins, et c’est déjà l’automne. Les arbres dehors exultent dans une explosion de couleurs. La beauté entre dans la maison, s’immisce en nous. 

Forge des poèmes avec tous les synonymes du mot bonheur.

On est toujours là, les yeux fermés, happé par le songe de ce qui sera notre maison. Ce sera une cabane, un modeste logis, une chaumière folklorique où ça sent bon la soupe. Une réalisation sans prétention. Et pourtant, ce qui grandit en nous, ce n’est rien de moins qu’une cathédrale. 

***

Je vous raconte le rêve d’un homme, un ingénieur investi dans son travail. Appelons-le : l’Ingénieux. Il avait fait l’acquisition d’une sucrerie sans cabane à St-Paulin. Après avoir bâti une usine, il s’est réveillé un beau matin avec une indescriptible envie de trouver un sens à sa course effrénée. Les journées étaient longues mais il y avait toujours un bout de lui qui s’ouvrait à la lenteur.

De temps en temps, l’Ingénieux se sauvait de son usine pour se poser au milieu de la clairière. SA clairière. Tout autour, des érables à perte de vue. De beaux grands arbres entre lesquels le vent sifflait, charriant un message ardent : « Toi, l’Ingénieux, fais de ce coin de pays l’œuvre de ta vie ». 

Docile, il plante 4 piquets pour lancer la création. S’éloigne. Encadre ce premier jet sommaire avec le pouce et l’index. Il visualise. L’Ingénieux réalise soudain qu’il est en train d’enfermer sa vision dans une volume aux dimensions trop raisonnables. Il met la raison en berne et retourne vers son plan en 3-D.

« C’est trop peu d’espace », se dit-il en son for intérieur. « Il faut rêver mieux. Rêver grand ».

Il tire sur les piquets, un après l’autre. Retrousse un peu les fougères froissées et repousse les limites du projet qui, au fur et à mesure qu’il avance, prend des proportions épiques.

Cette histoire de piquets remonte à tout près de 15 ans. Il en a coulé de l’eau d’érable, depuis!

La construction a bouffé toutes les pauses vacances. Sans relâche, le montage de la cabane-cathédrale s’est terminé avec un sprint final, juste avant les grandes bordées de neige.

C’était beau, inondé de lumière.  Beau…et vide. Il manquait un élément essentiel : l’amour.

Et c’est là que les idées de grandeur cèdent le pas à un simple désir : celui de créer un cocon. 

L’ingénieux s’est effacé pour faire entrer en scène l’Homme. C’est ce gars-là qui a attiré le regard d’une certaine Fabiola, une artiste vibrante qui chante avec les bras grands ouverts. L’Homme a trouvé le chemin jusqu’à son cœur. 

***

Janvier 2022. Je rejoins la clairière. Des flocons délicats dansent tout autour de nous.

Frédéric et Fabiola m’accueillent avec chaleur et m’invitent à pénétrer à l’intérieur de ce qu’il considère encore comme une « cabane à sucre ». 

Je ris et les éclats se perdent entre les branches.

On entre dans une grande maison en bois rond, construction récente qui pourtant est patinée d’histoires.

Une maison qui a vu se succéder les grandes tablées, les refrains en canon, un premier bébé suivi d’un second. Une pré-ado devenue jeune femme, Amélie, la vraie, celle qui a donné son nom aux boisés. Jadis, il y avait des piquets pour délimiter les contours d’une belle folie. Aujourd’hui, ce sont des jalons durables qui tracent un chemin pour la postérité.

La grande maison en bois rond a glissé pour un court moment vers une pause inquiétante en pleine pandémie. Mais la nature n’attend pas la fin du monde, c’est nous qui, pendant un bref moment de panique, la créons. Alors Frédéric et Fabiola ont retroussé leurs manches pour faire comme tout le monde et se réinventer. 

Le rêve perdure. Une maison, aussi grande soit-elle, reste une maison. Les géants tout autour, les érables, eux, ne cessent jamais de grandir. 

Comme l’amour.

Je veux une photo pour me souvenir de ce moment.

Frédéric et Fabiola prennent la pose. Ils s’enlacent, épaules soudées, regards encore étonnés.

Le rêve flirte toujours avec la démesure, surtout lorsqu’il est amoureux.

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